Souvenirs à propos du Kifanlo

Souvenirs de France et Christian Pitra

Interview de France Pitra, épouse d’Emile Pitra qui a été propriétaire du bateau de 1958 à 1984.

« Mon mari avait acheté le bateau à son beau-frère Méris Massé en 1958 et il a commencé à commander en 1959. Ils étaient 6 à bord, 5 matelots plus lui, pour la pêche au chalut dans le Golfe de Gascogne et la langoustine. Ils partaient pour des marées de 8 jours. C’était l’époque de la pleine pêche. Mon mari est allé à la mer jusqu’à 58 ans. Il a gardé le bateau jusqu’aux années 80, il ne trouvait pas à le vendre. Entre temps, les conditions de sécurité à bord avaient changé, il fallait faire des travaux pour le mettre aux normes. Quelqu’un a même voulu l’acheter pour le mettre sur la Seine, comme bateau-péniche. En 1984, Oceam a racheté le bateau pour son projet de protection du Patrimoine. »

France Pitra reconnaît que le Kifanlo était un bateau solide, qui tenait bien la mer « bout au vent » avec son étrave bien dessinée. Il était même le bateau le plus rapide du port avec ses 8,5 nœuds. Des années fastes. Des années fastes et des souvenirs plus douloureux quand les conditions météo devenaient difficiles.

 « En 1966, j’ai cru devenir folle, j’ai passé ma nuit sur le quai. J’avais mes deux fils et mon mari embarqués et il faisait gros mauvais temps. Le bateau n’avait pas eu le temps de faire route terre et s’était mis « à la cape ». On n’avait aucune nouvelle et c’était la première marée de mon fils Michel, embarqué comme mousse. J’ai dit à ce moment-là, je ne veux plus de marin. »

 Son fils Christian précise : “On était dans le golfe aux langoustines, le vent a fraîchi tout d’un coup.  On était trois bateaux, le Frère de la Côte, le Francèsito et le Kifanlo, on n’a pas pu rentrer au port. On a attendu l’accalmie et on est rentré le lendemain matin. Moi, j’ai embarqué sur le Kifanlo à l’âge de 14 ans en 1961. J’étais le mousse, je préparais la popote. J’ai navigué avec Oscar Baud, Marcel Boudin noir, …  des anciens et des plus jeunes.  Mon pire souvenir, c’est le naufrage du Marie-Christine en février 1970, dans les passes, à l’endroit qu’on appelle “l’homme debout”, en face du calvaire de la côte. Il était midi. On était rentré une heure et demie avant, tous les bateaux étaient rentrés. Le Rouletabille avait failli chavirer, l’équipage avait jeté ses bottes à la mer, l’Amirolette attendait pour sortir l’aider. Tout le monde criait de ne pas sortir. Le Marie-Christine était retourné chercher une bouée, ça lui a été fatal. »

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Souvenirs de Michel Pitra

Mousse sur le Kifanlo

« J’ai commencé à bord du Kifanlo le 5 Juin 1966, j’avais 14 ans et demi. Mon père Emile et mon frère Christian naviguaient aussi sur le Kifanlo. Je me souviens, j’avais le mal de mer que j’ai gardé pendant 12 ans, ça c’était dur ! Mais tous mes copains étaient marins, on partageait les mêmes choses, ça m’a aidé à tenir le coup ! Je suis allé en formation à l’école des Pêches, c’était d’octobre à fin mai et après j’embarquais pour la saison d’été. Puis, je suis parti sur le Drakkar, le bateau que mon frère avait acheté. Mon père n’était pas trop content car il perdait deux matelots jeunes mais c’était comme ça ! »

...Aujourd'hui

Gislain Baud, patron du Kifanlo, raconte une sortie en mer

“On sort le matin vers 9 heures pour une pêche en mer au chalut à l’ancienne qui va durer 3 heures. Les « apprentis-matelots » sont toujours heureux de participer au largage des amarres et embouquer le chenal mythique, un moment fort ! 

On navigue cap à l’ouest dans la zone des 3 milles, au large des Barges. On fait route pendant une demi-heure puis on met le chalut à l’eau, le radar (la chaîne) et les panneaux. C’est la chaîne qui va entraîner le chalut au fond, les panneaux le maintiennent écarté. On fait route pêche pendant une heure. C’est le moment où les touristes font des photos ou bien posent des questions sur le métier. 

Puis, c’est la remontée du chalut, on sécurise  la zone du treuil et enfin la pochée (le fond du chalut) est vidée sur le pont.  Pas de perte de temps, on prépare les paniers avec le matelot et on vide le poisson, soles, merluchons, vives ou rougets barbet lors de belles prises, mais aussi de grandes quantités d’étoiles de mer que l’on rejette en mer avec la tripaille. C’est l’heure du festin pour les mouettes qui accompagnent le bateau dans un ballet virevoltant qui régale les photographes ! 

Après nettoyage du pont, retour au port avec la pêche qui sera distribuée entre les touristes, ce qui est très apprécié car revenir au port avec de quoi faire une fricassée ou une plancha après la virée en mer, c’est prolonger les souvenirs et les émotions car le goût du poisson pêché le matin est authentique”.